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Un autre monde est possible...
2 juin 2008

Permis de polluer

Le système d’échange de quotas de CO2, servant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, est rendu inopérant par les cours dérisoires de la tonne de CO2. Il est aujourd’hui beaucoup plus intéressant pour les entreprises polluantes d’acheter des quotas de CO2 aux sociétés vertueuses que d’investir dans des équipements plus respectueux de l’environnement.

L’idée du système d’échange est pourtant bonne. Premièrement, on fixe des limites d’émissions de CO2 aux entreprises européennes : ce sont les Plans Nationaux d’Affectation de Quotas (PNAQ). Celui de la France pour la période 2005-2007 fixait ainsi la barre à 151 millions de tonnes de CO2 part an, réparties par secteurs, puis par entreprises. Le PNAQ français, couvrant la période 2008-2012, a ramené quant à lui les émissions maximales à 133 millions de tonnes par an. Deuxième étape : on permet aux sociétés qui respectent les limites d’émission de vendre leurs quotas de CO2 non utilisés aux entreprises qui polluent plus qu’autorisé. Ce sont les " permis de polluer ".

Ces échanges virtuels de tonnes de CO2 entre entreprises vertueuses et mauvais élèves créent un marché d’échange du CO2. Géré par la bourse européenne d’électricité Powernext, filiale d’Euronext, ce marché animé par la loi de l’offre et de la demande doit tirer vers le haut le prix de la tonne de CO2. Et, ce faisant, inciter les plus gros pollueurs à moderniser leurs installations pour ne pas avoir à acheter des " permis de polluer " de plus en plus onéreux. La combinaison de PNAQ de plus en plus drastiques avec la hausse des cours de la tonne de CO2 doit conduire mécaniquement à la baisse des émissions de CO2 européennes.

Mais rien ne s’est déroulé comme prévu. D’abord, les premiers PNAQ validés par la Commission européenne étaient trop généreux pour les industriels : on a distribué trop de quotas de CO2 par rapport aux émissions effectives des installations. Conséquence, la plupart des entreprises ont émis sans effort entre 2005 et 2007 moins de CO2 que ce que les PNAQ les autorisaient à rejeter. Les quotas en trop devenant surabondants sur le marché, le prix de la tonne de CO2 a naturellement chuté. Avec une tonne de CO2 passée en quelques mois de 30 euros à un euro, puis à quelques centimes d’euros, le système d’échange est devenu inopérant, les entreprises ayant tout intérêt à acheter des droits de polluer à un euro la tonne, plutôt qu’à engager de coûteuses modernisations.

Les nouveaux PNAQ, rendus plus contraignants par une Commission Européenne échaudée, pourront-ils changer la donne ? C’est peu probable. Car le système d’échange mis en œuvre dans le cadre du protocole de Kyoto autorise les entreprises européennes à réduire les émissions de GES dans les pays en développement, pour bénéficier des crédits d’émissions de CO2 dans leur propre pays. Une entreprise polluante peut donc investir dans la réduction des GES d’une de ses usines en Inde (ce qui lui coûtera moins cher que de moderniser une usine en Europe), et maintenir dans son pays ses niveaux de rejets sans avoir à acheter un droit de polluer. Un atout pour les pays en développement, mais cela n’aidera pas l’Europe à atteindre chez elle ses ambitieux objectifs.

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