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Un autre monde est possible...
17 août 2007

L'affaire du Probo Koala

L'affaire du Probo Koala est une catastrophe environnementale survenue en Côte d’Ivoire qui a provoqué la mort de 10 personnes, 69 hospitalisés, 7000 intoxiqués. Le Probo Koala, dont l'équipage est russe, est un navire pétrolier immatriculé au Panama, appartenant à une compagnie grecque et affrété par la société hollandaise et suisse Trfigura. Ce navire a déchargé au port d'Abidjan 581 tonnes de déchets toxiques.

Historique

Le 2 juillet 2006, le Probo Koala accoste au port d'Amsterdam. Il a auparavant déchargé une cargaison d'hydrocarbures en Espagne. La citerne à déchets étant pleine de 500 m³ de résidus d'hydrocarbures et divers composants chimiques, Trafigura cherche à s'en défaire auprès de la société Amsterdam Port Services (APS). Ces déchets sont déchargés sur une barge couplée au navire. Une puanteur inhabituelle se répand, probablement due à la forte odeur d'oeufs pourris du sulfure d'hydrogène. La police des services d'environnement de la ville et les autorités portuaires interviennent.

La société APS remarque, lors de tests en laboratoire, que les substances ne correspondent pas aux informations données sur les déchets par le donneur d’ordre. Il s'ensuit une négociation sur le prix qui n’a pas abouti. Trafigura refuse la décontamination, jugée trop longue et trop coûteuse: APS demande 1 000 euros le m³ puis 750 euros le m³. À cela s'ajoutent une journée d'immobilisation supplémentaire au port, soit un coût de 35 000 dollars, et une journée de location du navire, soit un coût total de 250 000 dollars.

Trafigura décide de recharger les déchets sur le Probo-Koala, ce qui, selon APS, ne s'est jamais produit.

Les services de l'environnement d'Amsterdam ont tenté de faire immobiliser le navire mais sans succès. La seule injonction faite est de décharger les déchets au port suivant.

Le Probo-Koala se rend ensuite à Paldiski en Estonie pour charger de l'essence destinée au Nigéria. Le 1er août, après deux escales aux îles Canaries et à Lomé (Togo), le Probo-Koala atteint Lagos (Nigeria). Il livre une cargaison de pétrole. Trafigura fait une nouvelle et vaine tentative de vidange.

Le 12 juillet 2006, la société Tommy est créée par, Salomon Ugborugbo, de nationalité nigériane. Elle n'obtient du ministre des transports ivoirien qu'un agrément d'approvisionnement des navires.

Le 9 août, dix jours avant l'arrivée du Probo-Koala, la société Tommy est agréée pour le traitement de produits toxiques. Elle n'a jamais obtenu de contrat de ce type mais serait spécialisée dans la vidange et l'entretien des soutes de navire et décroche une autorisation du port pour récupérer les huiles usagées et les résidus d'hydrocarbures. Tommy n'a ni les moyens ni les compétences pour cette tâche.

Le 17 août, à Abidjan, la compagnie Puma Enargy, filiale de Trafugura, a pris contact avec la société Waibs, un intermédiaire qui conseille de faire affaire avec la société Tommy. Trafigura-Londres adresse un courriel à Puma Energy, qui l'avertit de la toxicité de certains composants de sa cargaison : "A cause de la forte concentration en mercaptan sulfuré, le mélange est très odorant et doit être débarqué et traité de façon à éviter toute conséquence sur l'environnement ou problème avec les autorités."

Le 18 août, Tommy adresse un message écrit à Trafigura. Il précise que, compte tenu de leur odeur et de leur composition, un chimiste a conseillé de déverser les déchets chimiques dans un lieu éloigné de la ville, Akouédo, tout à fait apte à recevoir n'importe quel type de produit chimique. Akouédo est un quartier très habité d'Abidjan. Tommy assure qu'elle endossera toutes les responsabilités et assurera un bon travail à un prix de 35 dollars le m³ (soit vingt et une fois moins cher qu'à Amsterdam).

Le 19 août 2006, accostage du Probo Koala au port d'Abidjan. La société Tommy se charge de l’épandage des 528 tonnes dans une dizaines d’endroits autour de la ville d’Abidjan.

Le 21 août, les analyses du centre ivoirien antipollution (Ciapol) attestent que l’échantillon s'apparente à du produit pétrolier proche de l'essence, avec une forte teneur en hydrogène sulfuré, substance toxique pouvant entraîner la mort immédiate en cas d'inhalation. Le 22 août, malgré une demande d'immobilisation au port datée de la veille, le Probo-Koala peut quitter sans encombre le port d'Abidjan.

Nature de la cargaison

Trois enquêtes sont ouvertes aux Pays-Bas afin de déterminer dans quelles circonstances le navire a pu quitter le pays alors que ses soutes ne contenaient pas que des résidus issus d'un nettoyage. Les analyses révèlent que les déchets étaient constitués de soude à 10%, des thiols (mercaptans), des phénols, de l’hydrogène sulfuré, de naphte (oléfines, paraffines et hydrocarbures aromatiques), et des disulfides.

Le Probo Koala a raffiné en pleine mer du pétrole brut, en mélangeant soude et naphta. En mai et juin 2006, le Probo Koala a pu transformer 70 000 tonnes de pétrole brut en essence car il a reçu trois cargaisons de 28 000 tonnes de naphte en provenance des États-Unis. L'opération de transformation consiste à libérer le soufre contenu dans le naphte à l'aide de substances dérivées de la soude et d'une substance adjuvante, un produit catalyseur utilisé dans les raffineries. L'essence ainsi produite n'est pas exempte de soufre et ne pouvait donc être commercialisée en Europe. Elle pouvait, en revanche, l'être en Afrique (Le navire s'est rendu au Nigeria début août 2006). Ce sont les 70 tonnes de résidus de l'opération qui auraient été déchargé en Côte d'Ivoire.

Après avoir nié pendant 2 mois la toxicité des déchets déversés à Abidjan, Trafigura a reconnu qu'une opération de raffinage avait bien eu lieu à bord du Probo Koala, en pleine mer, quelques semaines avant le désastre. Cette manipulation a généré des déchets à forte toxicité et un bénéfice de 5,5 millions d'euros pour Trafigura.

Suites

Le 6 septembre 2006, le premier ministre ivoirien Konan Banny démissionne avec son gouvernement, coupable selon lui de "négligences" dans l'affaire. Deux ministres (transports et environnement) sont limogés, tandis qu'est "suspendu" le directeur du port, un des principaux financiers du clan présidentiel des Gbagbo. Le gouvernement ivoirien a également suspendu de leurs fonctions le directeur général des douanes, le directeur du port autonome d'Abidjan, le gouverneur du district d'Abidjan et le directeur des affaires maritimes du ministère des tranports. Sept ivoiriens sont inculpés et écroués. Ils sont rejoints le 18 septembre par C. Dauphin, fondateur-dirigeant de Trafigura, et son directeur pour l'Afrique de l'Ouest, J.P. Valentini, écroués à la maison d'arrêt d'Abidjan. Ils sont poursuivis pour "empoisonnement et infraction à la législation sur les déchets".

Deux mois seulement après le drame, le président ivoirien L. Gbagbo a signé plusieurs décrets prévoyant le retour à leur poste du directeur du Port d'Abidjan, le directeur général des Douanes, et le gouverneur du district d'Abidjan.

Trafigura et l’état ivoirien ont conclu le 13 février un accord amiable dans lequel elle s’est engagée à verser 152 millions d’euros en échange de l’abandon des poursuites dans cette affaire. En juin, la fédération nationale des victimes des déchets toxiques de Côte d’Ivoire (Fenavidetci), qui regroupe plusieurs associations locales constituées après la pollution, a rejeté la répartition des 152 millions d’euros, qui prévoit plus des 2/3 de l’argent à la présidence ivoirienne.

Quelle arnaque ! Et pour finir... le plus beau...

Dans un reportage de l'émission "Complément d'enquête ", diffusée le 12 février 2007 sur France2, Eric de Turckheim (Trafigura) déclarait, en pensant qu'il n'était pas filmé, que si le Probo Koala avait vidé ses cuves en pleine mer, on n'aurait jamais entendu parlé de Trafigura dans cette affaire...

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